L'exclu

Publié le par DAI

Contre les soumissions de la pensée

"Trop d'exclus : la lutte contre l'exclusion est un impératif national !"

L'invention de concepts et la concurrence des définitions participent toujours de la lutte pour l'imposition d'une vision légitime, laquelle conditionne ensuite représentations et pratiques, qui vont bien souvent finir par ne plus poser  "problème" puisque largement partagées.
Ainsi l'exclu et le concept d'exclusion font leur "apparition" au début des années 70 (1) pour se redéployer ensuite plus largement dans les années 80. L'exclu désigné comme tel l'est donc au regard d'une construction : parler d' "exclus" et d' "exclusion", ce n'est pas parler d'un fait de nature, mais c'est déjà bel et bien engager une vision déterminée du monde social.
 
...impossible exclu ?
 
Littéralement, l'exclu peut être envisagé comme celui qui n'est pas compris dans un compte, dans un ensemble. Celui-ci présente dès lors cette caractéristique de ne pas être comptabilisable dans la totalité dénommée "société". Poussant plus avant ce raisonnement, l'exclu se situe dès lors dans un espace "hors de", sorte de no man's land qui contredit bien vite le fait que nous occupons toutes et tous une position au sein de l'espace social : notre "exclu" se volatilise...
(Cette argumentation radicale n'a pour unique prétention que de "dénaturaliser" l'apparente évidence...)
 
Une des lectures possibles...
 
Ainsi donc, et sans développer pour autant, l'exclu - et par delà le concept d'exclusion - s'ils ne peuvent accéder au statut de concepts sociologiques assurés, n'en restent pas moins envisageables, pour emprunter à Serge Paugam, comme "foyers-virtuels" de réflexion ; comme "concepts-horizon" permettant d'interroger, par exemple, la "cohésion sociale". Il convient simplement de garder à l'esprit qu'ici comme ailleurs, le monde social est alors interrogé à l'aide de concepts qui ne sont que possibles parmi d'autres - et qui en cela conditionnent une certaine manière l'appréhender le "problème à traiter".   
Illustrons ce propos : introduisant à une partition duale du monde social (inclus vs. exclus), le concept d'exclusion nous conduit tout d'abord à une appréhension englobante, "lissante" d'une "catégorie" unifiée ; en ce sens, il neutralise le discours politique sur les inégalités (stratification sociale fortement différenciée ; question de l'évolution et répartition des revenus...). Nous sommes en présence de ce qui peut être une façon d'accéder à une représentation qui fait l'économie des rapports conflictuels...
 
En conclusion
 
Le rapport au concept d'exclusion peut ainsi servir le discours idéologique : ici résidu inévitable de la modernisation ; ou là résultat des dysfonctionnements sociaux (la thèse et le renversement fondateurs de Rémy Lenoir), l'exclu est enjeu de luttes, à défaut d'accéder au statut d'être de chair...
 
(1) L'ouvrage de Rémy Lenoir, Les exclus. Un Français sur dix, paru en 1974, est généralement considéré par nombre d'auteurs comme constituant un pas non négligeable.
 

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D
L'exclusion ne peut-elle pas être la participation à autre chose ? A autre chose qu'une fausse inclusion dans la société de consommation ?<br /> Car quand j'achète, je fais tourner la machine à inclure, précisément. Celle où je vends ma force de travail pour participer à des finalités qui se décident sans moi. Celle où mon argent sert à me procurer ces prétendues "richesses" -ce qui me distingue des exclus, objectivement- richesses qui ne sont pourtant que ce que la machine à inclure a rendu obligatoire de disposer... pour être inclus.<br /> <br />
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